Le testament français - MAKINE Andrei

Couverture Le testament français

Prix Médicis - Goncourt Lycéens - Goncourt - 1995 « Je me souvenais qu'un jour, dans une plaisanterie sans gaîté, Charlotte m'avait dit qu'après tous ses voyages à travers l'immense Russie, venir à pied jusqu'en France n'aurait pour elle rien d'impossible [...]. Au début, pendant de longs mois de misère et d'errances, mon rêve fou ressemblerait de près à cette bravade. J'imaginerai une femme vêtue de noir qui, aux toutes premières heures d'une matinée d'hiver sombre, entrerait dans une petite ville frontalière. [...]. Elle pousserait la porte d'un café au coin d'une étroite place endormie, s'installerait près de la fenêtre, à côté d'un calorifère. La patronne lui apporterait une tasse de thé. Et en regardant, derrière la vitre, la face tranquille des maisons à colombages, la femme murmurerait tout bas : "C'est la France... Je suis retournée en France. Après... après toute une vie." »
Ce roman, superbement composé, a l'originalité de nous offrir de la France une vision mythique et lointaine, à travers les nombreux récits que Charlotte Lemonnier, « égarée dans l'immensité neigeuse de la Russie », raconte à son petit-fils et confident. Cette France, qu'explore à son tour le narrateur, apparaît comme un regard neuf et pénétrant sur le monde…

Biographie de l'auteur

Andreï Makine, né en 1957, est un écrivain d'origine russe et de langue française. Devenu orphelin très jeune (ses parents sont probablement morts en déportation), il passe ses premières années à l'orphelinat, avant d'aller vivre avec sa grand-mère qui lui transmettra la langue et la culture françaises.
Dans les années 1980, il obtient un doctorat de l'Université d'État de Moscou après avoir déposé une thèse sur la littérature française contemporaine. Il collabore à la revue Littérature contemporaine à l'étranger, et enseigne la philologie à l'Université de Novgorod.
Au cours d'un voyage en France en 1987, il obtient l'asile politique, puis devient professeur de langue et de culture russes à Sciences Po et à l'École normale supérieure.
En 1990, il publie son premier roman, "La fille d'un héros de l'Union soviétique". Deux ans plus tard, il dépose une thèse de doctorat à la Sorbonne consacrée à l'œuvre de l'écrivain russe Ivan Bounine (1870-1953).
Il obtient la reconnaissance du public et de la critique avec son quatrième roman, "Le testament français", paru en 1995, pour lequel on lui décerne les prix Goncourt, Médicis et Goncourt des lycéens. L’obtention du Goncourt lui vaut, entre autres, d'obtenir la nationalité française en 1996, ce qui lui avait été préalablement refusé.
En 2001, il obtient le prix RTL-Lire pour "La Musique d'une vie" et, en 2005, le prix de la fondation Prince-Pierre-de-Monaco pour l'ensemble de son œuvre.
Toute l'œuvre d'Andreï Makine est écrite en français. Ses romans sont traduits dans plus d'une trentaine de langues. Ils recèlent une subtile intertextualité aux littératures, histoires et cultures russe et française, doublée d’une érudition pleine de compassion pour la nature humaine.
En 2011, il révèle qu'il a publié des romans sous les noms de Gabriel Osmonde et Albert Lemonnier.
Le 3 mars 2016, il est élu membre de l'Académie française au premier tour, au fauteuil occupé précédemment par Assia Djebar.

Il se fait remarquer, depuis lors, par ses prises de position visant à exonérer le pouvoir russe de toute responsabilité dans le déclenchement et les actions survenues lors de la guerre en Ukraine.

Date première édition: septembre 1995

Editeur: Folio

Genre: Roman

Mots clés :

Notre avis : 9 / 10 (1 note)

Enregistré le: 22 mai 2024



Marinette
Appréciation de lecture
Le testament français
Appréciation : 9 / 10
Commentaire #1 du : 22 mai 2024
“Enfant, je me confondais avec la matière sonore de la langue de Charlotte. J’y nageais sans me demander pourquoi ce reflet dans l’herbe, cet éclat coloré, parfumé, vivant, existait tantôt au masculin et avait une identité crissante, fragile, cristalline imposée, semblait-il, par son nom de «tsvetok », tantôt s’enveloppait d’une aura veloutée, feutrée et féminine, devenant « une fleur »."

Si j’ai choisi d’aborder mon propos par cette citation, c’est parce qu’elle traduit, à mes yeux, la dualité et la complétude de la langue d’Andreï Makine, en un mot, la légèreté du cristal contenue dans tsvetok/ ?????? et le velours féminin de sa traduction française « une fleur » !

L’enchantement opère à la lecture de ce roman aux résonances autobiographiques, écrit dans un français parfaitement maîtrisé par Andrei Makine, l’auteur qui a élu domicile en France en 1987.

Il y est question de transmission, de quête identitaire : famille, langue, nation, comment se construit-on ?
Quel destin singulier pour Aliocha, qui découvre la France et le français au travers les souvenirs et l’histoire non moins singulière de sa grand-mère, Charlotte Norbertovna! Un portrait subtil, un hommage à cette femme qui a traversé les guerres, connu viol et famine, stalinisme…

Avec une humanité sincère et une sensibilité empreinte de poésie sont abordés les atermoiements du jeune adolescent qui tergiverse entre « francité » et « russité ». Cette ode à une double culture sera couronnée par 3 prix littéraires en 1995. Et aujourd’hui, celui à qui on avait refusé en 1991 la nationalité française, siège à l’Académie française !

Lisez « le testament français » d’Andrei Makine, et vous voyagerez du village de Neuilly-sur-Seine, aux steppes sibériennes, durant le XXe siècle !

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